Avant l’examen d’une proposition de loi, 150 créateurs de contenu dénoncent les « dérives d’une minorité »


Des youtubeurs, dont Seb la Frite et Cyprien, au festival Solidays, à l’Hippodrome de Longchamp de Paris le 23 juin 2019

Avant l’examen la semaine prochaine d’une proposition de loi encadrant leur activité, 150 influenceurs, dont Squeezie, Cyprien et Seb la Frite, ont demandé aux députés de ne pas « casser [leur] modèle » à cause des « dérives d’une minorité », dans une tribune publiée dimanche 26 mars dans le Journal du dimanche. « Nous entendons parler des “influvoleurs”, du “combat à mener” contre nous. Nous pensons que c’est une erreur. Qu’une minorité est devenue une généralité », plaident-ils.

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, a présenté vendredi un volant de mesures pour réguler un secteur jusqu’à présent largement sans contraintes. En particulier, il veut soumettre les 150 000 influenceurs français, qui vivent souvent de la promotion de produits, « aux mêmes règles » publicitaires que les médias traditionnels.

Les autorités veulent également se donner les moyens de sanctionner les mauvaises pratiques, avec un « nouveau pouvoir d’injonction sous astreinte » pour obliger l’influenceur à retirer un contenu illicite ou la plate-forme à suspendre leur compte. Il est enfin prévu d’interdire toute promotion de la chirurgie esthétique et d’obliger les influenceurs à signaler lorsqu’ils utilisent un filtre pour améliorer artificiellement leur apparence, sur le modèle des règles s’appliquant aux publicités.

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« Le débat n’est pas d’être pour ou contre l’influence »

Les stars d’Instagram, YouTube et TikTok s’inquiètent d’être assimilées à ceux qui sont accusés de tromper les consommateurs.

« Votre seule boussole doit être la protection des consommateurs des dérives d’une minorité qui se croit tout permis et la préservation de nos activités et des emplois que nous créons. Ne cassez pas le modèle vertueux que nous construisons aux quatre coins de la France avec et pour les Français. Comprenez-le, protégez-le, faites-le grandir. Arnaques, contrefaçons, pratiques commerciales douteuses, certains ont fait croire ces derniers mois qu’ils étaient représentatifs de notre secteur alors qu’ils ne représentent qu’une minorité. Ce sont leurs dérives que nous souhaitons d’abord dénoncer. »

« Nous ne sommes certainement pas parfaits. Nous avons fait des erreurs. Mais notre priorité est et sera toujours la protection des consommateurs, de nos communautés. Nous sommes favorables à un encadrement du secteur », assurent les signataires, qui se défendent d’être « des panneaux publicitaires ambulants ». Ils demandent aux députés de ne pas les « considérer comme une menace » et de se garder de « mettre à mal une économie florissante » qui représente « des milliers d’emplois » en aidant à promouvoir les entreprises. « Le débat n’est pas d’être pour ou contre l’influence », concluent-ils.

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La plupart des mesures annoncées vendredi seront traduites dans une proposition de loi transpartisane déposée par les députés Stéphane Vojetta (apparenté Renaissance) et Arthur Delaporte (Parti socialiste), examinée en séance publique à l’Assemblée nationale la semaine prochaine. « Ce sera la première fois en Europe qu’un cadre complet de régulation des influenceurs sera mis en place », s’est félicité vendredi M. Le Maire lors d’une conférence de presse à Bercy.

Marché mondial estimé à 12 milliards d’euros en 2021

Cumulant des millions d’abonnés les influenceurs, pour certains devenus des stars, diffusent des contenus sur les réseaux sociaux qui peuvent grandement orienter les modes de consommation. Ces derniers mois, les appels à la régulation se sont faits plus pressants, pour cette activité souvent décriée pour son opacité – partenariats rémunérés non explicites, concurrence déloyale, exil fiscal ou accusations d’arnaques.

En janvier, la répression des fraudes (DGCCRF) a publié une enquête accablante sur les pratiques du secteur : tromperie sur les produits vendus, promotion de paris sportifs risqués, voire d’injections « par des esthéticiens et des non-professionnels de santé ». Un collectif nommé AVI (pour « aide aux victimes d’influenceurs ») avait au même moment annoncé le lancement d’une action en justice par des dizaines de personnes, entre autres pour « escroquerie » et « abus de confiance ». Elles estiment avoir été arnaquées en investissant dans des produits financiers vantés par des influenceurs, dont un couple exilé à Dubaï, Marc et Nadé Blata.

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En 2022, un conflit avait mené à l’ouverture par la justice de deux enquêtes portant sur un litige, très médiatisé, opposant le rappeur Booba et Magali Berdah, patronne de Shauna Events, une importante agence d’influenceurs. Le premier reproche à la seconde de promouvoir des arnaques (marchandise non reçue, produits non conformes…) ; en retour, elle l’accuse de cyberharcèlement.

Malgré ces dérives, le « marketing d’influence » explose, il représentait en 2021 un marché mondial estimé à quelque 12 milliards d’euros. La toute nouvelle Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenus (Umicc), qui représente les agences du secteur, a salué « des propositions louables et indispensables » mais « appelle les députés à ne pas discriminer ou sur-réguler » certains acteurs. L’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP), un organisme d’autorégulation, a rappelé qu’elle a décerné plus de 600 « certificats de l’influence responsable ». Enfin, le Syndicat du conseil en relations publiques, qui représente 55 agences, lancera en avril un « e-label » certifié de « l’influence responsable ».

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Le Monde avec AFP



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